Application du critère de la « permanence du projet artistique » pour l’attribution de
l’usage du nom collectif d’un groupe musical.
Cour d’Appel de Paris, 19 janvier 2021 (18/07991)
Faits et procédure : le groupe musical « Gipsy King » composé à l’origine de deux fratries,
s’est séparé en deux groupes distincts à la suite d’un désaccord, chacun souhaitant
continuer à utiliser ce nom à son seul profit.
Une première action avait été intentée en 1995 devant le tribunal d’Aix en Provence, donnant
lieu à un arrêt de la cour de cassation le 25 janvier 2000 affirmant que l’appellation « Gipsy
Kings » constituait la dénomination collective de l’ensemble du groupe qui appartenait de
manière indivise aux membres de ce groupe, ne pouvant dès lors faire l’objet d’une
quelconque appropriation au titre de la propriété intellectuelle. A défaut d’accord sur l’usage
du nom, la Cour avait retenu le critère de la « permanence du projet artistique » afin de
désigner les membres pouvant se prévaloir de l’usage du nom.
Le groupe composé de certains membres seulement a, par la suite poursuivi son existence,
et de nouvelles dissensions ont vu le jour donnant lieu à la présente affaire, lorsque
d’anciens membres ont fait la promotions de concerts avec les termes « Chico & the Gypsies
featuring la légende gitane anciens et historiques … » , « Gipsy Kings feat X » ou encore
« Gipsy Kings et X ».
Le tribunal judiciaire de Paris a été saisi à nouveau en 2018 et a notamment fait interdiction
aux anciens membres du groupe de faire usage du nom « Gipsy Kings ». Un appel à été
interjeté à la suite de cette décision.
Solution : la Cour d’appel considère que, « à défaut d’accord entre les co-indivisaires sur
l’usage du pseudonyme indivis, il convient de rechercher laquelle des formations assure la
permanence du projet artistique servant de support au pseudonyme collectif ».
La Cour, après une appréciation de la situation des deux groupes en présence énonce que
seul l’un des deux assure la permanence du projet artistique des « Gipsy Kings » tel que
conçu par ses membres fondateurs ; et elle fait donc interdiction à l’autre groupe d’utiliser
cette dénomination.
Concernant les droits sur la dénomination collective, la Cour considère là encore que les
seuls à pouvoir les revendiquer sont les membres « historiques » du groupe et ce à
l’exclusion de leurs enfants ou de tout tiers. La dénomination collective « Gipsy Kings » est
donc intransmissible et incessible. En revanche, les membres qui assurent la continuité du
projet artistique peuvent intégrer de nouveaux musiciens.
Appréciation : la Cour maintient ici son critère de « permanence du projet artistique » qui
avait déjà dégagé lors d’une affaire « Gipsy King » en cas de dissension entre les membres.
Elle fait ainsi une appréciation in concreto de la situation afin de déterminer qui assure le
mieux cette « permanence » et peut donc faire usage du nom, sans pour autant qu’il ne
puisse être cédé ou transmis. Les autres membres quant à eux peuvent seulement se
prévaloir du titre d’ancien membre du groupe.
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